Nos analyses :Paradigme managérial et pratiques cliniques dans le secteur médico-social
Le secteur de la santé et celui des institutions médicosociales ont été, lors des dernières décennies, l'objet des injonctions du New Public Management (consacrées en France dans la Loi organique relative aux lois de finances, ou LOLF, en 2000), courant de pensée d’inspiration néolibérale qui estompe les différences entre le management des organisations publiques et celui des entreprises privées. Une traduction concrète de ce phénomène qui transforme le secteur est la multiplication au sein des organisations publiques ou parapubliques d'outils et de dispositifs de gestion comme la démarche qualité, la gestion par projets, les évaluations renforcées des activités, etc. Autre exemple : le projet Serafin-PH qui entreprend de construire l'équivalent de la tarification à l'activité appliquée aux établissement hospitaliers (T2A, soit un système d'information permettant une visibilité des actes de soins et des prises en charge de patients afin d'assurer davantage de contrôle et de coordination) pour les organisations accueillant des personnes handicapées.
Dans ‘‘Des Regards Décalés’’, chapitre de l’ouvrage ‘‘Approches Critiques des Organisations’’, paru aux Éditions Management et Société, Camille Ricaud analyse, en se fondant sur les recherches qu’il mène, comment la logique sous-jacente à ces injonctions influence les pratiques cliniques, en prenant pour terrain d’étude la prise en charge des personnes autistes. En ce sens, l’analyse ‘dépasse’ les recherches en management menées sur la partie administrative des établissements concernés. Il apparaît que des pratiques de gestion des ressources humaines se greffent aux logiques cliniques, notamment pour les enfants : formalisation de l'accueil à travers un contrat de séjour, mise en place de projets éducatifs, évaluations permanentes des comportements, lecture par les compétences, etc. L'analyse de ce phénomène sur le terrain montre qu'il ne s'agit pas d'une simple réorganisation à la périphérie du travail des acteurs du champ clinique (éducateurs, psychiatres, psychologues, etc.) mais que ces outils de gestion sont eux-mêmes porteurs d'une rationalité qui renforce indirectement la légitimité de certaines pratiques thérapeutiques au détriment de certaines autres. La logique managériale se déploie au sein des organisations médicosociales, dessinant ainsi un nouveau paysage qui va jusqu'à structurer le champ d'action des "usagers au centre du dispositif " et des professionnels qui interviennent auprès d'eux.
Se pose donc la question des logiques et présupposés communs qui peuvent exister entre le monde du ‘clinique’ et celui du management. Cette forme de rapprochement entre deux univers pouvant apparaître a priori très différents l'un de l'autre, qui dépasse en réalité le cadre des organisations au service des autistes, interroge plus largement l’évolution du secteur de la santé et celui des institutions médicosociales en regard des transformations politiques et techniques de nos sociétés contemporaines.
Contact : camille.ricaud @ univ-pau.fr
Pour mieux aborder les mystères de l'''Autistan'', visionner la conférence de Josef Schovanec à l'UPPA : https://www.youtube.com/watch?v=i16h3yifraQ
